Apparences et apparition
Au cœur de la traversée des apparences, Marie Ducaté creuse son sillon. Personnages naïfs, couleurs chatoyantes : bien candide celui qui se laisse prendre à la musique des aplats aux contours maladroits rassurants, voire irritants lorsque l’artiste s’aventure aux limites du genre.
L’œuvre de Marie Ducaté puise aux racines de l’histoire de l’art sans contrainte ni tabou : elle se sert avec liberté et insolence pour tracer sa voie.
En une aquarelle d’une simplicité lumineuse, enfant esquissé penché sur un crabe, Marie Ducaté est au plus dense et au plus aérien de l’épure esthétique formelle, dans le mouvement réflexif d’une humanité ravie et perplexe de son être au monde.
La recherche prend des chemins de traverse dans des entrelacs de lumière, de perles et de verre.
Dans les tissus sur lesquels elle décline son œuvre depuis deux années, le matériau et les conditions techniques de réalisation approfondissent un lien dialectique : peindre le négatif pour donner à regarder le positif, exposer le simple pour masquer et dévoiler le complexe : qu’est-ce qui est révélé ? qu’est-ce qui est caché ?
Les jeux de transparences et d’opacité montrent la diversité de la touche et donnent à voir une double exposition en recto ou verso où l’œuvre manifestée diffère profondément : celle du sens dans lequel l’œuvre a été peinte (le verso), celle du sens où l’œuvre est donnée en première vision frontale (le recto).
Les différents tissus choisis comme trame annoncent les variations de l’effet d’abîme :
– froissés dans « les oiseaux », double cage inaccessible, tournante et transparente, présentée à Narbonne aux Pénitents bleus ,
– « aplats » transparents dans la série du « songe » où la profondeur du fond est alors révélée en verso,
– opaques dans la frise des « masques » et le fond reste inaccessible, les négatifs d’origine en papier témoignent alors du processus créatif.
Avec le jeu des superpositions, Marie Ducaté explore les matériaux pour déployer un art simplement contemporain de son existence, ancré dans son registre ; et l’œuvre flamboie dans la couleur au cœur de l’aventure de l’art.
Dans les faïences, l’advenue des reliefs blancs épure et clarifie l’exposition de la recherche et la quête esthétique actuelle de l’artiste.
Marie Ducaté ose l’envers du décor ; effet de maturité, elle se penche sur la trame de son œuvre peinte, tissée, malaxée. Elle ouvre la voie des masques.
Sourires et regards masqués, la pudeur derrière l’éclat, là où l’absence transfigure la présence en filigrane d’une œuvre qui risque sans cesse le trop manifeste, décalé, au péril de la méprise.
Recherche du temps perdu qui se clôt par un temps retrouvé brûlé par l’exposition.
Apparences et apparition, à nous de trouver le chemin ou de le manquer, l’artiste poursuit sa voie, proche et hors d’atteinte.
Pascale Triol
Janvier 2009